10e séminaire annuel du Creph: L'acte d'imagination: Approches phénoménologiques
Université de Liège, 25-29 avril 2016.
Pour sa dixième édition, le séminaire de recherche de
l'U.R. Phénoménologies (Université de Liège) prendra
pour thème l'imagination envisagée en tant que fonction psychique,
dans sa spécificité par rapport à la perception, d'une
part, et à la conception, d'autre part.
Kant avait notoirement fait de la faculté d'imagination un intermédiaire
(un peu indécis) entre la réceptivité de l'expérience
sensible et la spontanéité de l'entendement. En s'installant plus
nettement sur le terrain de la psychologie descriptive et en abandonnant le
vocabulaire des "facultés" pour lui préférer
celui des actes mentaux ou des fonctions psychiques, les Brentaniens s'étaient
donné les moyens d'analyser plus finement les composantes de l'acte d'imagination
(mode de visée, contenu réel, contenu intentionnel...), les rapports
de fondation qu'il entretient avec d'autres types d'actes, et par là
le rôle qu'il peut jouer dans les fonctions cognitives ou évaluatives
de l'esprit. Lire
plus...
Comme la perception sensible, l'imagination comporte une composante hylétique
- présence à l'esprit d'impressions ou de contenus réels
singuliers et concrets - qui, comme le dit Husserl, la range parmi les actes
d'intuition et lui permet de "remplir" les intentions de signification
générales. Toutefois, contrairement aux sensations, les images
ne se présentent pas sur le mode de la réalité, de sorte
qu'elles ne jouent qu'un des deux rôles du remplissement : si elles
fournissent bien, comme les sensations, des instances concrètes de
ce qui était encore pensé de manière générale,
elles ne permettent par contre pas de confirmer l'existence effective de ce
qui était encore seulement conçu. Il en résulte soit
une attitude déréalisante à l'égard des objets
représentés (qui sont donc explicitement considérés
comme non réels) soit une attitude de suspension du jugement de réalité
à l'égard de ces objets (qui sont donc considérés
indépendamment de la question de leur existence). Or, cette liberté
vis-à-vis de la question de l'effectivité est aussi ce qui permet
à l'imagination d'envisager des possibles non réalisés.
Et imaginer des possibles, ce n'est pas la même chose que de simplement
les concevoir. D'une part, en effet, l'imagination envisage des possibles
singuliers et concrets là où la pensée conceptuelle n'envisage
que des possibles généraux - ce n'est pas la même chose
que de penser "montagne d'or" et d'en imaginer une. D'autre part,
dans sa considération des possibles, l'imagination semble restreinte
par des contraintes propres qui n'entravent pas la simple conception ; tout
ce qui est théoriquement concevable n'est pas forcément représentable
dans l'espace et dans le temps et donc pas forcément imaginable - on
peut concevoir mais pas imaginer une "surface sans couleur", un
"triangle qui ne soit ni scalène, ni isocèle, ni rectangle"
ou un "carré rond" (entendu comme figure à quatre
côtés égaux et quatre angles droits dont tous les points
sont à égale distance d'un point donné).
De tous ces traits (descriptifs) de l'imagination résultent un certain
nombre de fonctions qui la rendent indispensable dans les champs de l'épistémologie,
de l'esthétique, de la morale ou de la politique.
En rencontrant leurs limites, les variations imaginaires permettent, sur
le plan cognitif, l'identification d'essences matérielles. En particulier,
le rôle non seulement illustratif mais résolument exploratoire
des constructions de figures, schémas ou diagrammes qui accompagnent
les raisonnements mathématiques confirme l'importance de l'intuition
dans ce qui semblait relever exclusivement de l'entendement : une intuition
qui n'est pas perceptive mais bien imaginative dans la mesure où les
figures ne sont pas données pour leur singularité effective
mais en tant que représentant une multitude de figures semblables possibles
dont on peut faire varier les traits jusqu'à certaines limites.
Sur le plan politique et social, l'imagination permet aux idéologies
de se doter de représentations concrètes qui les "matérialisent"
et, en les connectant à la sensibilité, favorisent leur investissement
affectif. Cette opération explique aussi bien l'efficacité didactique
des images que leur possible instrumentalisation. Par ailleurs, l'imagination
permet la considération d'alternatives aux situations de fait. En tant
qu'elle suspend (même provisoirement) les déterminations effectives
et réintroduit du jeu dans des situations trop définitivement
marquées (cadenassées) idéologiquement, l'imagination
constitue un outil critique capable d'oeuvrer sur bien des terrains : lutte
contre l'assignation identitaire, déconstruction de l'évidence
normative, reconfigurations de nouveaux territoires du commun, jeu sur les
rôles et les genres, etc. Le travail d'indétermination (ouverture
des possibles) opéré par l'exercice de l'imagination permet
que les choses puissent être autrement déterminées. Cette
opération s'appuie dans bien des cas sur des outils artistiques (littéraires
ou visuels).
Sur le plan esthétique, l'imagination, en tant qu'elle se définit
dans la tension entre le champ des concepts et celui de la sensibilité,
constitue la fonction essentielle sur laquelle s'appuie la créativité.
Elle permet la reconfiguration des rapports du sensible et de l'intelligible,
également mobilisés par la création artistique. Par le
biais de l'imagination, l'oeuvre d'art nous plonge dans un état de
libre jeu des facultés, car elle est - comme le disaient les romantiques
dans le sillage de Kant - "double suspension" : suspension du pouvoir
cognitif de l'entendement (qui détermine le sensible selon ses catégories)
et, par la déréalisation, suspension de la dimension intéressée
de la sensibilité.
L'enjeu du séminaire est d'explorer plus avant ces traits descriptifs
et ces fonctions propres de l'imagination qui la distinguent de la perception
et de la conception. En particulier, il sera intéressant de:
- analyser finement l'acte d'imagination (et ses composantes) sur le terrain
de la psychologie descriptive, en la contrastant avec la perception autant
qu'avec la simple intention de signification, mais aussi avec d'autres fonctions
psychiques telles que le souvenir;
- étudier, par contraste avec l'expérience sensible et la
conception intellective, le rôle spécifique de l'acte d'imagination
dans la connaissance, mais aussi dans la représentation et dans la
créativité politique et/ou artistique.
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Conférenciers invités
- Margherita Arcangeli (Université de Genève)
- Roland Breeur (Husserl Archives, KULeuven)
- Chiara Cappelletto (Università degli Studi di Milano)
- Annabelle Dufourcq (Radboud Universiteit, Nijmegen)
- Augustin Dumont (Université de Montréal)
- Kathleen Lennon (University of Hull, UK)
- Alain Loute (Université Catholique de Lille)
- Delia Popa (Université Catholique de Louvain)
- David Rabouin (REHSEIS, CNRS)
Appel à contributions
Les propositions de communications (titre et abstract, 700 mots maximum) sont
à envoyer par courriel, pour le 5 janvier 2016, à
B. Leclercq (b.Leclercq[at]ulg.ac.be
), exclusivement au moyen du
formulaire de soumission (doc
- txt).
Les propositions seront évaluées en aveugle par le bureau de l'URPh.
L'acceptation ou le refus sera notifié pour le 15 janvier au plus tard.
Dispositions pratiques
Le séminaire se déroulera du 25 au 29 avril 2016 à l'Université
de Liège (Belgique).
L'inscription n'est pas requise pour assister au séminaire. Un certificat
de participation sera délivré sur demande à l'issue du
séminaire, qui pourra être comptabilisé comme activité
de formation doctorale (ECTS, etc.).
Les langues du séminaire sont le français et l'anglais.
L'école doctorale ne prend pas en charge les frais de transport et de
séjour des intervenants "call-for-papers". Des informations
sur les possibilités d'hébergement sont communiquées sur
demande.
Comité organisateur
Contact
maud.hagelstein[at]ulg.ac.be - ahervy[at]ulg.ac.be - b.leclercq[at]ulg.ac.be