Université de Liège Département de philosophie

Centre de recherches phénoménologiques

Colloque international
Organisé par l'Unité de recherche "Phénoménologies"
en collaboration avec le Centro de Filosofia de l'Université de Lisbonne
(Projecto PTDC/FIL/71833/2006 : "Teorias da Racionalidade - Neokantismo e Fenomenologia")
et avec le Groupe belge d'Etudes Sartriennes (groupe de contact F.R.S. - FNRS)

Question anthropologique et phénoménologie

Université de Liège, les 8, 9 et 10 octobre 2008.
Salle des Professeurs, Bâtiment principal (A1), 1er étage
ès par l'entrée principale, 7, place du 20-Août)

Mercredi 8 octobre 2008

 
Président: Olivier Feron

10h00 Daniel GIOVANNANGELI (ULg): Ontologie phénoménologique et anthropologie chez Sartre [Abstract]

À Sartre, Heidegger reprochait d'avoir infléchi l'ontologie phénoménologique vers l'anthropologie. Il est clair que, très tôt, l'ambition de Sartre fut bien de fonder à nouveaux frais une anthropologie philosophique. Quelles étaient pour lui les conditions de possibilité d'une anthropologie ? Celle-ci pouvait-elle s'inscrire sans heurt dans la perspective phénoménologique ? Dans quelle mesure l'anthropologie de Sartre, si elle existe, déplace-t-elle le cadre de son ontologie phénoménologique?

11h00 Roland BREEUR (KUL): Descartes et les esprits malsains [Abstract]

Selon un grand nombre de commentateurs de l'oeuvre de Descartes, un des problèmes centraux qui animent son oeuvre est la question du rapport entre l'âme et le corps. Personne, à cet effet, ne résiste plus à la tentation de blâmer le "héros de la modernité" de ne pas avoir été en mesure de le résoudre. Il est vrai qu'en ce qui concerne ce sujet très débattu, Descartes a donné les verges pour se faire battre. J'aimerais pourtant analyser en quoi le problème du rapport entre l'âme et le corps, le mind-body-problem, n'est pour l'auteur des Méditations Métaphysique et des Passions de l'âme, qu'un faux problème. Mon analyse se résume bien en cette phrase où Descartes écrit que "je n'ai jamais vu ni compris que les corps humains eussent des pensées, mais bien que ce sont les mêmes hommes qui pensent et qui ont des corps".

11h45 Francis AFFERGAN (Uni. Paris V-Sorbonne): Une anthropologie phénoménologique est-elle possible ? [Abstract]

Les isolats culturels sont sans doute en train de vivre leurs derniers moments. Qu'on le déplore ou qu'on s'en félicite, les objets de l'anthropologie s'inscrivent désormais dans des horizons de mondes conflictuels et labiles, mais dont la diversité ne peut malheureusement nous garantir ni l'unité ni l'unicité. Le champ d'orientation devenant plus éclaté, l'anthropologie a changé nécessairement de positionnement. Elle a dorénavant affaire plus à des pluralités de comportements dans des structurations et des représentations dont la mouvance dépend en grande partie du nombre de variables et de combinaisons, qu'à un humain-en-soi dont l'absence de détermination le vouerait à une sorte de silence épistémologique.

Dans ce nouveau contexte, nous nous proposons de réfléchir à de nouvelles pistes. Tout d'abord, il conviendra de poser les prémisses d'une théorie de la description et de la redescription qui ne soit pas le reflet passif et sans épaisseur d'une réalité immaculée. L'objectif consistera à construire une nouvelle approche interprétative ou reconfigurative, mais débarrassée de ses impasses herméneutiques. Nous réinterrogerons à ce sujet les notions d'événement et de "forme" culturelle. En second lieu, la catégorie de modèle renvoyant à une approche trop scientiste, il importera d'envisager des modes d'appréhension plus souples et plus hypothétiques, comme les "schématisations", les "mondes possibles" ou les "cas imaginaires" auxquels songèrent Wittgenstein, Husserl ou Cassirer, mais débarrassés des apories du raisonnement inductif. En troisième lieu, l'objet de l'anthropologie ayant amorcé un tournant vers des jeux insérés dans des mondes, le problème du pluralisme épistémologique se posera autrement. L'épistémologie est-elle assimilable à une métaconnaissance reliant toutes les sciences sociales et humaines, ou bien relève-t-elle d'une réflexion sur les cadres pluriels des savoirs que les autres sociétés et cultures construisent d'elles-mêmes ? Le relativisme et l'universalisme seraient alors requestionnés dans leur essence et dans leur utilisation.

 
Président: Rudy Steinmetz

14h30 Rainer SCHÄFER (Uni. Heidelberg): Anthropology as prima philosophia in Plessners concept of humanity as "eccentric positionality" [Abstract]

L'anthropologie philosophique a connu son apogée dans la première moitié du XXe siècle, avec les projets de Scheler, de Plessner et de Gehlen. Plessner occupe une position intermédiaire entre les concepts d'anthropologie de Scheler et de Gehlen, car Scheler défend une anthropologie métaphysique, et Gehlen une anthropologie empirique. Plessner, par contre, jette les bases d'une anthropologie transcendantale. Dans le maître-ouvrage de Plessner, Die Stufen des Organischen und der Mensch. Einleitung in die philosophische Anthropologie (1928), il esquisse une théorie de l'homme qui, en partant de catégories philosophiques, cherche à saisir déductivement l'essence de l'homme sans tomber dans un biologisme ou un empirisme naïfs. La détermination fondamentale de l'homme est d'après Plessner la "positionalité excentrique", c'est-à-dire une forme de vie auto-créée, non déterminée, sans centre. La positionalité de l'homme est sa propre position libre dans l'accomplissement de la vie qui se dessine dans des mondes interne et externe et dans le monde de l'avec (intersubjectivité). La culture est la nature de l'homme. Les mondes interne et externe résultent de l'unité de l'âme et du corps, qui est l'homme. L'unité de l'âme et du corps est déterminée par Plessner de manière autant dualiste que moniste.

15h30 Lambros COULOUBARITSIS (ULB): La phénoménologie et le problème de la complexité de l'homme [Abstract]

La conception husserlienne de la "réduction", qui permit une clarification des idéalités, jusqu'à l'irruption de l'Ego transcendantal, constitue l'une des méthodes les plus intéressantes de la recherche de l'intelligibilité. Cette méthode appartient en fait à la quête de la "simplicité" comme condition d'un savoir clair et efficace, dont Aristote a été l'initiateur, mais qu'on retrouve autrement tant dans la théologie médiévale que dans la méthode cartésienne de la recherche des choses claires et distinctes. La science moderne, notamment celle de Newton, a poussé le paradigme de la simplicité dans son extrême manifestation, avant qu'elle soit infléchie par la thermodynamique, qui a inauguré les voies de la complexité. Or, avant la science contemporaine, l'anthropologie avait déjà amorcé un tournant épistémologique en découvrant la complexité des sociétés et des cultures archaïques, qui suppose un enchevêtrement entre visible et invisible, autrement plus complexe que celui qu'offrait la microphysique à l'origine. En parallèle, la complexité humaine s'est imposée également grâce à l'avènement de la psychanalyse freudienne tant que le plan de ses "topiques", où l'inconscience ouvre à l'abîme, que de son "organologie" des zones érogènes. Or, une analyse de l'"homme" comme un tout révèle que sa complexité est inouïe et irréductible, soulevant aussitôt le problème de la pertinence même d'une réduction phénoménologique. Une analyse philosophique du paradigme de la complexité, non plus limitée à l'approche de son pionnier, E. Morin, qui le rapporte à une forme de dialectique, mais selon l'horizon métaphysique que j'ai proposé dans mon livre La proximité et la question de la souffrance humaine (Ousia, 2005) requiert, me semble-t-il, un réaménagement de la théorie des "réductions" phénoménologiques. D'après l'analyse que j'y ai développé, la complexité suppose, non pas une limitation du réel grâce au savoir, mais au contraire une complexification continue, qui risque de nous conduire à une fuite en avant et à l'impasse. C'est pourquoi, l'être humain est contraint de produire des "configurations" (y compris des refigurations et des transfigurations jusqu'à des défigurations) grâce auxquelles il cherche à maîtriser le réel, tout en se donnant les conditions d'un équilibre psychique. Ces configurations, qui peuvent se modifier, ne semblent réductibles à une dialectique entre des idéalités permanentes et des profils illimités, mais à des structures susceptibles de rapports à la fois cognitifs et affectifs qui règlent (toujours provisoirement) la complexité. Si cette démarche est valable pour les événements et pour les choses, elle pourrait l'être également pour aborder la complexité de l'homme. La question qui se pose, dès lors, est celle de savoir en quoi cette méthode s'accorde encore à la phénoménologie, et plus spécialement aux rapports entre phénoménologie et anthropologie philosophique, alors même qu'elle semble contaminée par des approches appartenant également à l'anthropologie sociale et culturelle, ainsi qu'à un profusionnisme opposé à l'approche phénoménologique.

16h30 Pierre SOMVILLE (ULg): Esthétique et anthropologie: autour de Tintoret [Abstract]

Le peintre produit des corps qu'il configure selon diverses géométries, dont il hérite ou qu'il invente. L'époque et l'ethos y jouent un rôle. Il nous revient à nous, esthètes (et historiens), de décrypter cette anthropologie. Ainsi, du Tintoret…

 

Jeudi 9 octobre 2008

 
Président: Denis Seron

9h30 José Luis VILLACAÑAS (Uni. Murcie/Stanford): Deificatio: sur un motif constitutif de la modernité [Abstract]

Le résumé sera communiqué ultérieurement.

10h30 Fabien CAPEILLÈRES (Uni. Caen): Kant sur l'homme: anthropologie philosophique ou philosophie de l'anthropologie [Abstract]

Le corps de cette communication est une reconstitution du systeme kantien selon son concepts mondain ou cosmologique, selon lequel la philosophie dans son ensemble peut être considérée comme une réponse à la question “Qu'est-ce que l'homme?”. Je montrerai que, en vertu de la stricte corrélation entre les principes subjectifs et les principes de l'objectité, pour chaque détermination de l'objet, il existe une figure de la subjectivité. On sait ainsi comment l'apparition est l'objectivation de l'intuition, le noumène celle de la pensée (entendement et raison), etc. Ainsi, en particulier à partir de l'exégèse conduite par Heidegger, l'anthropologie transcendantale kantienne s'est vue développée à partir des déterminations du sujet transcendantal (avec, cela aussi est connu, une forte accentuation de l'esthétique). Je voudrais ici souligner que, précisément en vertu de la corrélation entre le subjectif et l'objectif, si l'on veut vraiment pouvoir parler d'anthroplogie et d'une anthropologie qui intègre la totalité su système, il faut poursuivre la reconstitution de la corrélation non pas simplement au niveau de la philosophie transcendantale (des principes purs donnés par les trois Critiques) mais aussi des deux métaphysiques et du Passage à l'empirique. Autrement dit: quels sont les corrélats subjectifs de la métaphysique de la nature et de la métaphysique des moeurs ainsi que de leur passage à l'empirique? C'est seulement en répondant à cette question que l'on peut intégralement reconstituer la conception kantienne de l'humain, en passant de ce que Kant à nommé “anthropologie transcendantale” pour aller jusqu'à l'anthropologie empirique. Pour donner un exemple: le sujet transcendantal est un sujet désincarné, mais le corps vivant apparaît dès les principes subjectifs métaphysiques.

11h45 Thomas BOLMAIN (F.R.S.-FNRS/ULg): Aux sources d'un refus. Foucault, avec Heidegger, contre l'anthropologie kantienne (1954-1961) [Abstract]

Dans un article récent, D. Giovannangeli cherchait à prendre l'exacte mesure du rapport entre finitude et mort de l'homme dans Les mots et les choses: en placant le Kantbuch au centre de la démonstration, le rapport ambigu de Foucault à Kant apparaissait naturellement comme le point nodal de l'ouvrage de 1966. Enfin, soulignant l'importance de Heidegger dans le débat entretenu par Foucault avec l'anthropologie kantienne, l'auteur pouvait à bon droit s'interroger sur le lien éventuel de l'archéologie et de son ontologie implicite à l'histoire de l'être elle-même. C'est ce questionnement précis que nous voudrions reprendre, en le développant dans trois directions:

1) Brièvement, il s'agira d'abord de souligner, au sein de l'archéologie, l'ambivalence de Foucault aussi bien à l'égard de Kant que de Heidegger. D'un côté, la pensée kantienne, comme ouverture du champ transcendantal, est célébrée au titre d'instigatrice d'une modernité philosophique fondée sur l'idée de finitude originaire ; pourtant, en rabattant celle-ci sur la figure impure de l'homme, Kant serait également à la source de ces formes de pensée "gauches et gauchies" caractéristiques de la modernité anthropologique. D'un autre côté, l'archéologie assigne à l'analytique existentiale le sol épistémique de sa possibilité ("Le recul et le retour de l'origine") ; mais tout se passe comme si cette assignation – aussi bien d'ailleurs que la lecture précédente de Kant – était rendue possible par une certaine ontologie, elle-même redevable sur bien des points au questionnement plus tardif de Heidegger "en vue de la vérité de l'être" (ainsi qu'en témoignerait, par exemple, l'insistance de L'archéologie du savoir sur le "il y a“ du langage et la "donation“ de l'énoncé).

2) C'est à retracer la généalogie de cette commune ontologie – qui s'identifie à la destitution de l'anthropologie philosophique – que s'attachera principalement cette communication. La question serait donc: en amont de l'archéologie, est-il possible de repérer les différentes étapes de la lecture foucaldienne de Heidegger, dont le symptôme serait un refus progressif du thème anthropologique ? On élaborera donc une micro-histoire de la philosophie, en s'appuyant sur un corpus restreint de textes, et sur quelques hypothèses de lecture, qu'il faudra éprouver:

- le texte majeur pour Foucault, dans ce développement, serait effectivement le Kantbuch (cela sans méconnaître l'importance d'autres ouvrages, tels que la Lettre sur l'humanisme ou Qu'appelle-t-on penser ?, mais dont l'influence sur Foucault fut peut-être plus tardive) ;

- les étapes de cette assimilation sont à découvrir respectivement dans: Maladie mentale et personnalité (rédigé en 1953), l'Introduction au livre de Binswanger Le rêve et l'existence (1954), enfin l'Introduction à l'Anthropologie de Kant (1961) ; il y va d'autant de glissements successifs: une anthropologie non-critique mais déjà grevée d'analyse existentiale, le passage à une "analytique ontologique de l'imagination“ et, enfin, à une "critique de la finitude“ qui récuse et désarme la figure de l'homme ;

- l'auteur qui joue, de Heidegger à Foucault, le rôle d'intercesseur ne serait autre que J. Vuillemin, spécialement la troisième partie de son livre L'héritage kantien et la révolution copernicienne (1954) ; mais c'est aussi lui qui permettrait à Foucault de radicaliser la position de Heidegger à l'égard du questionnement sur "la subjectivité du sujet humain“.

3) Pour conclure, il faudrait en effet rapidement indiquer comment l'archéologie elle-même, poussée dans ses dernières conséquences et, plus encore, en aval de l'archéologie, la dernière pensée de Foucault, sont absolument contradictoires avec toute "autre insistance de l'homme“ (Derrida) – cela, peut-être, contre Heidegger lui-même. D'une part, c'est en ce sens qu'il faudrait comprendre le primat de l'énoncé, comme déploiement d'un pur "champ de régularité pour diverses positions de subjectivité“ ; d'autre part, l'idée d'une "constitution historique de l'être“ (L'usage des plaisirs) en de multiples formes d'expérience – soit l'objet de l'histoire foucaldienne des systèmes de pensée – ne doit pas tromper: elle signifie surtout la mise à mal de tous les universaux anthropologiques, et puis la détermination d'un concept de la subjectivation comprise comme pure fonction de –, simple dérivée d'un "travail critique de la pensée sur elle-même“.

Mais il y a là un paradoxe. A rebours de toute anthropologie philosophique, ce concept de subjectivation, Foucault l'élabore en s'appuyant sur certains textes de Kant, et en s'écartant plus que jamais de Heidegger (primat de l'éthique sur l'ontologie, de la pratique sur la théoria, expérience critique de la pensée sur elle-même plutôt qu'acquiescement à la finitude de l'être, etc.) ; mais il est aussi vrai qu'il repose tout entier sur un travail de soi sur soi mené dans la pensée – autant dire: une auto-affection ; or c'est cette notion qui formait le coeur de la lecture heideggerienne de Kant. Si elle est menée de manière rigoureuse, la micro-histoire de la philosophie évoquée ci-dessus devrait permettre de circonscrire la source de ce paradoxe et, éventuellement, sa signification.

12h30 Raphaël GÉLY (F.R.S.-FNRS/UCL): Le temps et l'affectivité originaire de la conscience. Réflexions à partir de Sartre et Henry [Abstract]

Cette communication s'attachera à montrer de quelle façon le premier Sartre et Henry permettent de mettre en évidence, chacun selon un niveau d'interrogation propre, une épreuve affective originaire de la conscience fondée dans la contingence même de son mouvement d'ouverture vers le monde. Notre hypothèse est que l'affectivité de la conscience ne se laisse pas décrire chez Sartre à partir des seules modalités spécifiques de son effectuation comme être vers le monde, mais renvoie au contraire à l'énigme originaire de ce qui dans la conscience ne relève pas de l'effectivité même de ce rapport au monde. Si, dans La transcendance de l'ego, l'immanence absolue de la présence à soi de la conscience pure ne peut en aucune manière être décrite comme une immanence affective comme c'est le cas chez Henry, on trouve néanmoins chez Sartre, comme Daniel Giovannangeli et Roland Breeur ont pu le montrer, une affectivité originaire de la conscience plus profonde que l'affectivité originelle décrite dans L'être et le néant, une affectivité originaire fondée dans l'épreuve que la conscience pure fait de la contingence même de sa propre limite égologique. Henry, de son côté, interroge également cette épreuve affective originaire de la conscience intentionnelle en tant qu'elle est affrontée à la contingence de son adhésion au pouvoir même de s'éprouver de la vie. Que ce soit du point de vue de son auto-constitution réflexive comme conscience égologique ouverte à un monde ou que ce soit comme conscience faisant l'épreuve de la fragilité de la force de vie interne à son mouvement de levée intentionnelle vers le monde, on trouve ainsi chez le premier Sartre et Henry l'idée que l'intrigue originaire de la conscience réside dans ce qui en elle ne se laisse pas décrire à partir de l'évidence de son ouverture temporelle au monde.

Au lieu d'interroger la vie de la conscience à partir de l'évidence de sa dynamique temporelle – ce qui ne peut manquer bien entendu d'être fait par ailleurs – il s'agit ici de décrire le mouvement de temporalisation de la conscience comme une réponse à une intrigue plus profonde trouvant son site propre dans l'épreuve affective originaire de la conscience. Dans cette perspective, s'il y a une affectivité radicale du temps, c'est dans la mesure où le temps vécu est travaillé par la contingence de l'adhésion purement interne de la conscience à elle-même. La question de l'instantanéité de la conscience pure chez Sartre tout comme la question de la genèse du temps réel dans l'affectivité originaire de la vie chez Henry trouvent alors un autre sens. La présente communication s'attachera ainsi à montrer de quelle façon Sartre et Henry investissent des niveaux d'interrogation portant dans leur différence même (point de vue de l'égologisation de la conscience intentionnelle et point de vue de l'adhésion de la conscience intentionnelle à la force de vie en elle) sur la dimension originairement affective de la temporalisation de la conscience. L'épreuve affective du temps est ressaisie ici non pas à partir de son seul horizon, mais à partir de la contingence même de sa genèse. Cette interrogation permet ainsi de participer à la recherche conduite par Daniel Giovannangeli sur cette dimension constitutive de la conscience qu'il caractérise comme celle d'un "retard originaire" plus profond que celui de la facticité de l'être-jeté dans le monde. Il sera ainsi montré que ce retard originaire de la conscience renvoie chez Sartre et Henry à l'énigme de l'incessant mouvement de retemporalisation de la vie intentionnelle. Nous verrons pour terminer que l'épreuve radicale de ce retard est constitutive du pouvoir que la conscience a d'ouvrir avec créativité de l'avenir possible par delà l'effectivité de sa situation présente. Dans cette perspective, l'énigme du temps humain, sa finitude et la créativité originaire qui l'habite, renvoie à cette nuit originaire de la genèse du temps au sein de l'épreuve immanente que la conscience fait d'elle-même. La question se pose alors de savoir comment articuler ces différents plans d'interrogation du rapport entre le temps et l'affectivité originaire de la conscience, le plan égologique et le plan intensif.

 
Président: Arnaud Dewalque

15h15-18h Table ronde: "Uns Menschen wenigstens..." (Hommage à Daniel Giovannangeli).

La table ronde sera organisée autour de trois axes:

1) Quel est le statut philosophique de l'analytique de la finitude ?

Bruno LECLERCQ (ULg): Pour nous autres Hume [Abstract]

Que Kant ait voulu rédiger un nouveau Traité de la nature humaine un demi-siècle après celui de Hume, c'est ce que pourrait laisser penser sa célèbre assertion selon laquelle les grandes questions qui guident ses trois Critiques sont au fond trois expressions d'une seule, à savoir "Qu'est-ce que l'homme ?".

Dans "L'homme en question", Daniel Giovannangeli insiste cependant sur la différence qu'il convient de maintenir, dans l'entreprise critique, entre le sujet transcendantal et l'homme. Loin de commettre la confusion de l'empirique et du transcendantal que lui reproche Foucault, Kant fait, non pas de l'homme lui-même, mais du sujet transcendantal dans l'homme – ou du Dasein dans l'homme -, la condition de possibilité de la connaissance, de la morale et des jugements téléologiques. Il importe donc de bien distinguer dans l'œuvre kantienne ce qui relève de l'ontologie transcendantale, laquelle caractérise le type d'être propre au sujet transcendantal, et ce qui relève par ailleurs de l'anthropologie philosophique et répond à la question "Qu'est-ce que l'homme ?". Bien sûr, les deux problèmes restent étroitement intriqués, puisque, en investiguant l'essence de l'homme, on met aussi à jour les traits qui en font un sujet capable de juger du vrai, du bien ou du beau. Et, à cet égard, Daniel Giovannangeli montre précisément que, depuis au moins Kant, ce qui fait le sujet transcendantal en l'homme, c'est sa finitude. Plutôt qu'à une anthropologie philosophique, c'est donc à une "analytique de la finitude" que la philosophie transcendantale doit s'articuler. Cette analytique de la finitude, les textes de Daniel Giovannangeli n'ont de cesse de la déployer autour des notions de passivité sensible et d'affectivité. C'est donc, du moins en ce qui nous concerne, de la "passion" qu'il y aurait au fondement, et comme condition de possibilité, de la connaissance ou de la morale. Pour nous autres hommes, cette affectivité caractéristique de la finitude serait donc originaire et nécessaire à faire, de nous autres hommes, des sujets transcendantaux.
Cependant, aussi mêlée qu'elle soit d'anticipation et de structuration active, cette passivité ne peut évidemment pas à elle seule constituer un sujet transcendantal ; car si elle est, pour nous, une condition de possibilité – une condition nécessaire – de la connaissance, de la morale et des jugements téléologiques, elle n'en est pas une condition suffisante. Une autre de leurs conditions de possibilité, laquelle n'est d'ailleurs cette fois plus spécifique aux êtres finis, réside en effet au contraire dans la spontanéité judicative, dans l'activité libre de la prise de position et du jugement. Comme le soulignent à juste titre les arguments antipsychologistes d'Husserl ou Cassirer, c'est par sa spontanéité et son autonomie que le sujet échappe aux déterminismes de sa condition naturelle d'homme. Hume avait voulu mettre en évidence l'ensemble des "mécanismes" de la nature humaine régissant la formation des idées et jugements théoriques et pratiques. Sa démarche était résolument et explicitement naturaliste, mais, en s'enfermant ainsi dans l'étude des processus nécessaires de la pensée humaine, il se privait d'emblée d'un sujet susceptible d'exercer une responsabilité à l'égard d'idéaux comme le vrai ou le bien. Parce que cette responsabilité est une condition de possibilité de la connaissance comme de la morale, l'ontologie transcendantale ne peut être un traité de la nature humaine ; elle doit impérativement s'articuler sur une "analytique de la liberté".

Passivité et spontanéité, finitude et liberté, telles sont donc, du moins pour nous autres hommes, les composantes essentielles de la subjectivité transcendantale. Bien sûr, cela, d'une certaine façon, Kant le disait déjà ; mais, en s'armant des ressources de la phénoménologie, Daniel Giovannangeli s'efforce de saisir précisément comment ces deux composantes s'articulent. En thématisant les synthèses passives (au sein desquelles on retrouve les associations et effets d'habitude qu'avait thématisés Hume) et leur reprise active par l'ego transcendantal, Husserl offre en effet à cet égard un modèle particulièrement éclairant qui influencera toute la phénoménologie. Mais toutes les réflexions présentées ci-dessus convergent alors vers une question fondamentale: ces synthèses passives, que sont-elles ? Ne sont-elles pas essentiellement des processus naturels, quoique pas spécifiquement humains ? L'"analytique de la finitude", qui compose un des deux volets de l'ontologie transcendantale, n'est-elle rien d'autre qu'un traité de la nature animale ? Et, si on s'en tient à la finitude de l'homme, il y a-t-il vraiment quelque chose que puisse en dire l'anthropologie philosophique et pas les sciences humaines ?

Arnaud DEWALQUE (F.R.S.-FNRS/ULg): Anthropologie philosophique vs Wissenschaftslehre [ Abstract]

À suivre les médiations analysées par D. Giovannangeli (Kant lu par Heidegger lu par Sartre, tous relus par Foucault), la découverte de la finitude attribuée à Kant serait bien, au moins indirectement, à l'origine du "tournant anthropologique" qu'a connu la philosophie au vingtième siècle. L'analyse philosophique des textes, dans leurs renvois répétés, semble donc engager ici une sorte de "retour à Kant". Je voudrais, pour ma part, resituer le "tournant anthropologique" dans le contexte de la philosophie allemande au début du vingtième siècle et le confronter à un autre "retour à Kant", celui du néokantisme. Car si l'orientation de la philosophie sur la "question de l'homme" semble solidaire, positivement, d'une certaine réception de la phénoménologie, elle l'est aussi, négativement, du déclin du néokantisme "classique". Le point de vue que faisait valoir Raymond Aron, dans son ouvrage sur La Philosophie critique de l'histoire (publié pour la première fois en 1938), me semble à cet égard exemplaire. Il y posait un verdict très sévère : l'incapacité de la philosophie critique à poser le problème de l'historicité, et un réquisit : le véritable questionnement philosophique doit partir de l'homme et non de la science. C'est dire que le Faktum der Wissenschaft qui servait de point de départ à la philosophie néokantienne se trouve là battu en brèche. Dans quelle mesure peut-on donc opposer la lecture "anthropologique" de Kant, qui est fondée sur l'idée d'une analytique de la finitude, à la lecture néokantienne, qui est prioritairement une lecture gnoséologique ?

2) Quelle est la signification de l'analytique de la finitude pour le traitement de certains problèmes philosophiques ?

Laurence BOUQUIAUX (ULg) [Abstract]

L'un des grands thèmes autour desquels était organisé l'enseignement de D. Giovannangeli à l'époque où j'ai eu la chance de suivre ses cours était celui du statut de la science et de la métaphysique dans la philosophie moderne, en particulier chez Descartes et chez Kant.

Une question m'a préoccupée depuis lors: préciser ce que la théorie kantienne de la connaissance doit (ou ne doit pas) à la physique newtonienne et dans quelle mesure l'évolution ultérieure de la physique – avec le développement de la théorie de la relativité puis de la mécanique quantique – a rendu problématique (du moins pour les physiciens) le maintien de l'appareil conceptuel kantien. La thèse que je voudrais présenter très rapidement est celle que défendent des philosophes comme M. Bitbol ou J. Petitot et selon laquelle la philosophie transcendantale n'a pas été rendue obsolète par la science contemporaine, mais constitue au contraire le cadre naturel et désormais presque incontournable de toute approche philosophique de la physique mathématique. Je voudrais aussi tenter de préciser comment cette thèse de l'actualité de l'approche transcendantale en physique est liée à une idée d'une science qui ne s'assignerait plus pour tâche la description d'une réalité indépendante depuis un point de vue "de nulle part" qui ne pourrait être que celui de Dieu mais bien, pour reprendre les termes de M. Bitbol "le déploiement d'un réseau unifié de réciprocités entre points de vue".

Annick STEVENS (ULg) [Abstract]

Dans sa recherche passionnée du rapport de la conscience à autrui, il est arrivé à Daniel Giovannangeli de remonter jusqu'à Platon et d'interroger la fameuse métaphore du miroir. Comme il le sait bien, ce qui était alors une question de connaissance de soi devient avec Aristote la question de la conscience de soi, présentée comme accompagnant tous nos actes, et j'ajouterai: sans être nécessairement réflexive. Or, dans un texte magnifique, qui vient d'être remis en lumière par Agamben, la conscience d'être et de vivre sert à Aristote de point de départ pour démontrer que l'homme heureux a besoin d'un ami. Je voudrais rappeler le cheminement de ce texte, pour en arriver à la conclusion suivante: au regard de cette conscience atteignant son bien dans la multiplicité de ses actes et de ses relations, la béatitude divine, dans sa simplicité absolue rendant impossible jusqu'à la conscience de soi, apparaît infiniment peu désirable. Ce retournement de la logique de la finitude par une mise en valeur du meilleur de la conscience humaine me semble correspondre, même si ce n'est que souterrainement, à la recherche tant philosophique que personnelle de Daniel.

Denis SERON (F.R.S.-FNRS/ULg) [Abstract]

Je signalerai brièvement, à la lumière de textes antérieurs, un développement récent de la pensée de D. Giovannangeli: sa lecture "dialectique" des Leçons sur le temps de Husserl, dans le sillage d'Yvonne Picard et du Problème de la genèse de Derrida.

3) Quelles sont les conséquences de l'analytique de la finitude pour l'exercice même de la philosophie aujourd'hui ?

Julien PIERON (F.R.S.-FNRS/ULg) [Abstract]

Nous sommes ici réunis pour rendre un hommage philosophique aux travaux et à l'enseignement de Daniel Giovannangeli, en suivant le fil conducteur de la finitude kantienne. On peut trouver chez un maître une discipline ou des autorisations. Je pense avoir trouvé dans l'enseignement et la pratique philosophique de Daniel Giovannangeli une autorisation – peut-être un cadeau empoisonné – à développer mon penchant à la lecture. Je m'efforcerai donc de suivre un fil conducteur kantien pour atteindre, après quelques détours, et au moyen d'une lecture (de la première et de la troisième Critique), à la question de la lecture.

Florence CAEYMAEX (F.R.S.-FNRS/ULg) [Abstract]

La plupart des travaux de Daniel Giovannangeli relèvent incontestablement de l'histoire de la philosophie. Mais, tout lecteur le voit immédiatement, cette histoire de la philosophie se distingue de la discipline scolaire classique. Cette spécificité ne tient pas à quelques nouveaux principes de nature méthodologique : peut-être sont-ce des décisions d'ordre philosophique qui commandent au style singulier de lecture des textes et des auteurs que nous retrouvons, tant dans son enseignement que dans ses livres.

A travers quelques exemples, nous verrons que les lectures proposées par Daniel Giovannangeli tendent à porter les philosophies à leurs propres limites (selon l'expression maintes fois rencontrée). Deux procédés servent ce projet : suivre jusqu'au bout les exigences posées par un discours philosophique et parvenir au point où cette exigence suscite une exigence contraire (par exemple, dans les nombreuses contributions consacrées à l'analyse husserlienne de la temporalité originaire) ; confronter les discours philosophiques de sorte qu'ils mettent mutuellement à l'épreuve leurs propres limites (par exemple, dans les confrontations de Sartre et Derrida, de Henry et de Sartre, etc.). Plutôt qu'une "philosophie de l'histoire de la philosophie", une thèse implicite sur l'histoire de la pensée, ne s'agit-il pas d'une prise de position qui touche à la nature même de l'interrogation philosophique, et plus précisément de l'interrogation philosophique contemporaine, c'est-à-dire postkantienne ? L'interrogation philosophique est de part en part prise en charge de la finitude, non pas seulement à titre d'objet de pensée, mais comme condition assumée de son propre exercice.

Si notre hypothèse a quelque pertinence, pouvons-nous soulever quelques questions à l'adresse de ce style philosophique : le travail philosophique est-il exclusivement voué à cette auto-analyse fondée sur une "intertextualité critique" ? Cela ne l'expose-t-il pas au soupçon qui pèse régulièrement sur l'autonomie du discours philosophique, au reproche d'être abstrait et détaché ? Comment cette confrontation de la pensée philosophique à ses propres limites peut-elle constituer un Manifeste pour la philosophie (selon le titre du livre de Badiou que Daniel Giovannangeli recommandait aux auditeurs du cours de Philosophie contemporaine), et non, comme nous le croyons, une abdication ou l'aveu de sa fin ?

Vendredi 10 octobre 2008

 
Présidente: Florence Caeymaex

10h30 Michel DUPUIS (UCL/ULg): "Etre-à-chaque-fois" et situation dans la vie facticielle (Heidegger, 1923) [Abstract]

Le résumé sera communiqué ultérieurement.

11h15 André TOSEL (Uni. Nice): Intersubjectivité et esprit objectif. Du Nous au Monde commun dans la pensée d'Enrique Dussel [Abstract]

La phénoménologie de Husserl à Sartre, de Heidegger à Merleau-Ponty, de Schütz à Lévinas, a renouvelé la question d'autrui en thématisant la constitution de l'intersubjectivité et en marquant le caractère originaire du nous et de son monde. Il demeure que la question du Nous demeure équivoque, divisée entre description ontologique et prescription normative. La catastrophe totalitaire du XXème siècle a donné à cette question tout son poids d'urgence historique, pour ne pas dire historiale, et cela en dépit de l'équivocité de la catégorie de totalitarisme. L'anthropologie phénoménologique a hérité de cette situation.

On voudrait présenter la problématique peu connue dans le monde francophone du philosophe argentin Enrique Dussel. Formé à l'école de Husserl et de Heidegger, fin connaisseur de la philosophie classique allemande, notamment Schelling, et commentateur de Lévinas comme de Marx, en discussion permanente avec Apel et Ricœur, Dussel propose une réflexion originale qui entend articuler la question de l'Autre comme Visage qui interpelle et celle de l'extériorité des rapports socio-historiques. La constitution du monde du Nous implique celle du monde en commun et exige la prise en compte de ce que Hegel nommait l'esprit objectif et qui excède l'intersubjectivité.

Sur cette base, Dussel tente de nouer ensemble une ontologie de la relation et une éthico-politique de la libération qui selon lui peut être la philosophie requise par la situation des masses contemporaines, notamment latino-américaines, à l'époque de la globalisation et de l'apartheid mondial. Militant politique et religieux, proche des théologiens de la libération, Dussel a connu la prison et l'exil. Il enseigne à l'Université de Mexico. L'œuvre de Dusse, écrite en espagnol, est considérable ; elle comprend une trentaine d'ouvrages. L'exposé prendra pour base un ouvrage traduit en français "L'éthique de la libération à l'ère de la mondialisation et de l'exclusion", traduit par Albert Kasanda Lumembu, Paris. L'Harmattan. 2002. On peut aussi se rapporter à l'article "Ethique de la libération" de l'Encyclopédie Philosophique Universelle. Volume L'univers philosophique, dirigé par André Jacob. Paris. Presses Universitaires de France. 1989. p.149-154.

12h15 Grégory CORMANN (ULg): À l'ombre de la phénoménologie française. Husserl et Heidegger dans la première philosophie de Sartre [Abstract]

Le résumé sera communiqué ultérieurement.

 
Président: Grégory Cormann

15h00 Alexis FILIPUCCI (ULg): L'homme et le temps de l'Histoire: Sartre face à l'Inde [Abstract]

Il a été souvent reproché à Sartre de faire peu de cas de l'"histoire des concepts". Cette négligence l'exposerait à reconduire, malgré lui, certains préjugés dont ces concepts seraient chargés. Mais les mêmes personnes qui lui reprochent son absence de "diachronicité" se soucient peu de l'apparent manque de "relativisme culturel" dont il semble faire également preuve. Autrement dit, on fait très justement remarquer à Sartre que ses outils de pensée ont une histoire qui les conditionne, mais on considère cette histoire elle-même comme unique et exemplaire. Notre propos, on l'aura compris, visera à bousculer cette certitude. Plus spécifiquement, il s'agira pour nous d'éprouver la conceptualité sartrienne en la mettant face à une pensée n'appartenant pas à la sphère de l'"histoire de la philosophie", en l'occurrence, la pensée indienne. Cette mise en perspective permettra peut-être d'interroger en amont ce que l'on appelle "histoire de la philosophie", voire, d'une manière très générale, "Histoire".

En un premier temps, nous envisagerons l'évolution de la position de Sartre entre La Transcendance de l'ego et L'être et le néant sur la question d'autrui et tenterons d'en dégager ce qui diffère d'avec la conception indienne majoritaire. Sartre, réduisant la conscience à un champ transcendantal pur, c'est-à-dire délivré de l'ego, pense dans l'article de 1936, avoir évité le solipsisme de l'ego transcendantal husserlien. Il ajoute que ce champ transcendantal, s'il reste accessible en droit, est en fait très difficile à atteindre puisqu'il faudrait y parvenir par une saisie réflexive qui demeurerait en-dehors de toute motivation. Nous nous attarderons sur ce point très important car c'est un problème que rencontreront également les penseurs indiens. Sartre reviendra en 1943 sur sa position de 1936 quant au problème du solipsisme et adoptera une solution "plus hégélienne" : pour éviter le solipsisme il convient de faire dépendre d'autrui la conscience en son être même. Il est notable que c'est à partir de ce moment, c'est-à-dire à partir du moment où le pour-autrui est constitutif du pour-soi, que s'ouvre la perspective de l'Histoire. En effet, auparavant le problème demeurait individuel et aurait pu se ramener à des recherches et considérations méthodologiques à partir de la question suivante : comment puis-je rejoindre ce fameux champ transcendantal, source absolue d'existence précédant à la fois le Monde et le Moi ? Et c'est précisément sur cette question que s'est concentrée la pensée indienne durant vingt-cinq siècles.

Nous suivrons, en un second temps, cette intégration de la problématique historique dans l'œuvre sartrienne et remarquerons que, à bien y regarder, il n'est pas vrai que Sartre n'ait pas pris conscience du problème du "relativisme culturel". Je cite un premier extrait des Cahiers pour une morale : "L'Autre, en histoire : Orient (Chine, Inde, Japon). Comment oser faire une dialectique de l'Histoire qui ne tient pas compte de ces 400 millions d'hommes qui ont comme nous cinquante siècles d'histoire ? La dialectique (hégélienne ou marxiste) ne considère qu'une partie de l'humanité". La question est posée et semble justifier a priori tout projet de philosophie comparée : comment élaborer une véritable théorie de l'Histoire qui rendrait compte des histoires et non pas simplement exprimer notre pré-compréhension de l'Histoire pour ensuite l'élever au rang d'absolu explicatif ? Pour cela il faudrait "comprendre", au sens fort de ce terme, l'histoire, et avant cela la manière dont se temporalise un homme dans ces pays et traditions. Autrement dit, nous concernant, qu'est-ce que le temps pour un Indien ? Ce qui, puisque tout homme existe temporellement, ou se temporalise en existant, nous renvoie à ces autres questions : qu'est-ce que l'"Homme" en Inde ? Et enfin, pourquoi cet "Homme" ne se vivra jamais comme intégré et partie prenante à ce mouvement totalisateur qu'est pour nous l'Histoire ?

15h45 Olivier FERON (Uni. Evora): Die symbolische Nachträglichkeit des Menschen ou l'après-coup de l'oubli de l'homme [Abstract]

Le résumé sera communiqué ultérieurement.

16h45 Jean-Renaud SEBA (ULg): Kant et la transmission: une anthropologie radicalement non phénoménologique [Abstract]

Le résumé sera communiqué ultérieurement.

18h Sébastien LAOUREUX (FUNDP): La dialectique de la temporalité. Continuité ou discontinuité originelle ? [ Abstract]

Le résumé sera communiqué ultérieurement.

18h45 Gianni VATTIMO (Uni. Turin): L'écriture et la préférence [ Abstract] ANNULÉ

Le résumé sera communiqué ultérieurement.

Centro de Filosofia da Universidade de Lisboa Groupe belge d'études sartiennes Université de Liège FNRS UR Phénoménologies

Info: Grégory Cormann (gregory.cormann(a)ulg.ac.be) – +32 (0)4 366 54 17

L'assistance au colloque est gratuite et sans inscription préalable.

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